Samia Takhedmit, une sage-femme depuis 22 ans, répond sans détour aux questions d’Inty sur la pilule contraceptive et plus généralement sur la contraception. Entretien.
Comment procèdes-tu pour déterminer quel moyen de contraception prescrire à tes patientes ?
Je les interroge sur leurs antécédents personnels et familiaux (HTA, diabète, thrombo-embolies veineuses ou artérielles etc.) puis je procède à un examen clinique (IMC, pression artérielle, examen gynécologique etc.)
Quel contraceptif conseilles-tu le plus souvent à tes patientes ?
Le meilleur et celui que je recommande le plus souvent est le stérilet, surtout pour celles qui ne veulent plus avoir d’enfants. Mais pour celles qui prévoient de faire une grossesse dans 2 ou 3 ans je leur conseille la pilule.
Je conseille à celles qui ne veulent plus avoir d’enfant de se faire poser un stérilet.
Les patientes qui viennent te voir sont-elles bien informées ?
Certaines n’ont aucune idée sur la contraception. Elles viennent juste demander une méthode pour ne pas tomber enceinte. Tout dépend de leur niveau d’études et leur environnement.
D’après une enquête d’Inty, la pilule contraceptive reste la contraception favorite des Algériennes. Est-ce le cas de tes patientes ?
Ces dernières années, il y a une grande réticence envers la pilule. Elles ont peur de ses nombreux effets secondaires. Beaucoup de celles qui avaient l’habitude de la prendre ont décidé de l’arrêter.
Que reprochent-elles à la pilule exactement ?
Elles viennent se plaindre de l’effet sauts d’humeur et énervement provoqués par la pilule. J’ai beau leur diminuer le dosage, rien ne change. Un trouble de l’humeur est fort possible et normal vu que les hormones ont une relation direct avec la régulation de l’humeur et l’émotion.
Pilule et cancer, une corrélation avérée ?
Pour le cancer du sein beaucoup d’études suggèrent un implication de la pilule dans le développement de la maladie pour les femmes prédisposées. Pour ce qui concerne le cancer du col et des ovaires, on sait que les kystes ovariens sont traités avec la pilule ainsi que plusieurs problèmes gynécologiques. Elle a au contraire un effet protecteur.
Pilule et prise de poids, un mythe ?
Tout dépend si la femme est prédisposée à la prise de poids, il y en a qui ont un métabolisme rapide et donc même si elles prennent la pilule il n’y aura pas de prise de poids. C’est une rétention d’eau d’un côté et de l’autre elle ouvre l’appétit mais ce n’est pas systématique.
Les femmes qui ont recours à la pilule ne prennent pas nécessairement du poids. Tout dépend de leur métabolisme.
Que faire en cas d’oubli ?
Pour la contraception estroprogestative qui en même temps bloque l’ovulation et épaissie la glaire cervicale : si tu as dépassé 12h, il faut récupérer le comprimé et utiliser pendant une semaine un autre moyen contraceptif.
Pour les Les progestatifs qui agissent seulement sur la glaire cervicale : dépassé 3h, il n’est plus possible de récupérer.
Quelle est la différence entre la pilule de 1ère, de 2nde et de 3ème génération ?
Il existe différentes générations de pilules qui sont commercialisées selon la nature du ou des progestatifs qu’elles contiennent. Le terme « génération » fait référence à l’évolution de la composition des pilules contraceptives et à leur dosage en œstrogènes et progestatifs dans le temps. Les effets secondaires et les risques pour la santé varient en fonction des générations de la pilule.
Les Pilules de 4ème génération, les plus récentes, contiennent un nouveau progestatif, le drospirénone. Elles ont les mêmes effets secondaires que ceux déjà connus de la pilule de 3ème génération.
Y a-t-il d’autres raisons d’utiliser la pilule à part celle d’éviter la grossesse ?
Beaucoup de femmes dont le mariage est proche viennent demander la pilule pour décaler leur cycle menstruel (pour ne pas avoir ses règles le jour de son mariage). D’autres demandent la pilule pour prendre du poids.
Les moyens de contraception dit naturels ne sont pas sûrs.
Quelle méthode alternative tes patientes ont adopté ?
La plupart se tourne soit vers la contraception naturelle, malgré son manque d’efficacité, soit vers l’utilisation de préservatif pour femme.
Celles qui ont déjà des enfants ou qui ont un âge avancé choisissent le stérilet, en cuivre principalement car il est moins cher et ne contient pas d’hormones – le stérilet avec hormones coûte 1500 DA. C’est local donc moins problématique. Le stérilet est néanmoins contre-indiqué pour les femmes avec des règles abondantes et hémorragique car elles risquent une anémie. Il est aussi déconseillé pour celles qui souffrent d’infections à répétition ou d’allergie au cuivre.
Sur le web, on parle beaucoup des moyens naturels. Sont-ils si peu fiables ?
Le calendrier (planification des rapports sexuels en d’hors de la période de l’ovulation) et le retrait (éjaculation externe) ne sont pas des moyens sûrs et je ne les conseille pas.
Pour le calendrier, il faut surveiller pendant six mois si on a un cycle régulier de 28 jours, dans ce cas cette méthode contraceptive naturelle peut réussir bien qu’elle reste peu pratique pour la vie de couple.
S’agissant du retrait, on ne peut pas le considérer comme un moyen de contraception à proprement parler car il faut une grande maîtrise de la par du conjoint et pour ceux qui n’ont pas assez d’expérience ce n’est pas évident.
Qu’en est-il de la contraception par l’allaitement ?
Pendant l’allaitement, la pilule estroprogestative est contre-indiquée mais tu peux utiliser les progestatifs. L’allaitement comme contraception est peu fiable aussi car il est efficace pendant six mois seulement. Cela suppose que l’activité ovarienne ne revienne pas pendant six mois. Passée cette période tout dépend des femmes, il y en a qui restent jusqu’à un à deux ans sans activité ovarienne.
La contraception d’urgence reste très tabou en Algérie.
Et de la pilule du lendemain ?
Elle doit être prise dans un délai de 72 heures (soit trois jours) après un rapport sexuel non ou mal protégé pour la marque Norlevo. Et jusqu’à 120 heures (soit cinq jours) après un rapport sexuel non ou mal protégé avec un comprimé de la marque Ellaone.
Est-elle disponible en pharmacie ?
La contraception d’urgence reste très tabou en Algérie. Seulement quelques pharmacies en distribuent par le biais de la contrebande. Elle est vendue entre 20.000 et 30.000 dinars. Certains gynécologues prescrivent des plans de secours tels que l’association de pilules avec des produits micro-dosés.
Bien que l’Etat algérien distribue gratuitement des contraceptifs au niveau des hôpitaux et des plannings familiaux, beaucoup de femmes l’achètent encore en pharmacie. Pourquoi ?
Certaines femmes rejettent la pilule distribuée gratuitement par l’Etat car ils s’agit d’un générique qui vient d’Inde. Elles font plus confiance à la marque française, Adépal. Pourtant, il n’y a pas de différence entre ces deux marques. Malgré tout, beaucoup de patientes me demandent une ordonnance pour acheter leur contraception en pharmacie plutôt que de se la procurer gratuitement dans des établissements de santé.
Qu’en est-il des femmes célibataires ?
La contraception est réservée aux femmes mariées en Algérie. La protection des femmes qui ont des rapports sexuels en dehors du mariage reste tabou. Normalement, pour se procurer un moyen contraceptif, il faut montrer une ordonnance mais la plupart du temps les pharmaciens ne la demandent pas et ne se soucient pas si la cliente est mariée ou pas.
Samia Sad
Témoignages. “En prenant la pilule, on subit plusieurs effets indésirables”
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- Co-fondatrice d'Intymag.com
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