Journal d’une (céli)battante : “Je suis célibataire, pas malade”

Journal d’une (céli)battante : “Je suis célibataire, pas malade”

Le journal d’une (céli)battante est une série produite par Intymag. Elle raconte les tribulations de Kenza, une Algérienne de 30 ans, qui cherche l’amour envers et contre tous.

Dans ce feuilleton se mêlent fiction et réalité. Intymag a créé le personnage de Kenza. En revanche, ces histoires sont basées sur des faits réels, inspirés de la vie de plusieurs Algériennes qui ont accepté de se confier.

Saison II Episode 2 :

« Trop petit »

« Et celui-là ? »

« Idem »

« Et cette robe, elle est sympa ! »

« Je rentre plus dedans »

« Toi aussi quelle idée de te gaver de Nutella ! Tu as pris facile sept kilos ! Mais enfin ça fait un an Kenza. Next, on passe à autre chose ! Tu vas pas rester ruminer toute ta vie contre ce bâtard ?! Ressaisis-toi bordel ! »

Ma chambre était sens dessus dessous. Des collines de vêtements jonchées le sol. Et Zouzou debout devant mon placard grand ouvert me grondait comme Faten a l’habitude de le faire, et avec plus d’insistance depuis que « l’autre » m’a planté le jour de notre khotba.

Mais aucune d’entre elles ne sait vraiment pourquoi je suis devenue une loque. Personne en réalité ne connaît l’origine de mon état de déprime. Ma bande d’amies, ma cousine et mes parents sont persuadés que mon mal être est lié à ma rupture avec « l’autre » et que le mariage d’Asma n’a rien arrangé.

C’est faux. J’ai tourné la page de cette relation pseudo-amoureuse nocive et des accrochages avec Asma. Mais il y a bien un truc qui me reste en travers de la gorge, un geste que je n’arrive pas à oublier et qui me noue l’estomac chaque fois que je me remémore la scène.

Près de cinq mois après les faits, je n’ai toujours dit à personne ce qui s’est passé dans le cabinet dentaire du Docteur Kosbough. La secrétaire a deviné le vice mais l’affaire n’est jamais sortie de ces murs. Elle me ronge depuis. J’ai beau savoir que je suis la victime d’un vieux pervers, je me sens coupable. Salie, trahie… Par qui ? Pas seulement par M. Kosbough.

J’en veux à tous les mecs, tous, TOUS.

  • Ceux qui ne bossent pas et tiennent les murs en scrutant la vie de leurs voisins – surtout de leurs voisines.
  • Ceux qui friment pour un rien.
  • Ceux qui jurent fidélité en matant les filles à la table juste derrière toi.
  • Ceux qui répètent à l’envi qu’ils respectent leur mère et la chérir alors qu’ils ne sont même pas capables de se servir un verre d’eau.

[…] Et la liste est longue.

Le rencard arrangé par Zouzou tombe donc au plus mal. Je n’ai aucune envie de sortir, de m’habiller, je n’ai rien à me mettre et je n’ai pas du tout envie de séduire ni d’être draguée.

“Le premier rendez-vous, il n’y a rien de plus faux dans la vie que ça. Au lieu d’apprendre à se connaître, on se juge du regard. Si je mets une jupe, il me prendra pour une fille trop olé olé. Si je sors une paire de jeans slim, je serai vue comme une fille un peu trop libérée. Mais si je débarque avec des vêtements trop amples, il me prendra pour une nana trop coincée. On est conditionné par notre tenue, notre apparence. Tout est artificiel dans un premier rendez-vous, même notre sourire. Le sien, je t’en parle même pas ! Il te montre son plus beau visage pour mieux cacher la crapule qu’il est vraiment. Et le niveau des questions…”

“Wow t’as fini ta tirade !” Zouzou me coupe la chique. Elle avait l’air furax, je l’ai rarement vue comme ça.

“C’est quoi ce discours féministe à deux balles. Tu parles comme Faten, elle a trop déteint sur toi”.

Je réplique : “Non je pense vraiment ce que je dis. Zouzou, je suis célibataire, je ne suis pas malade. Pourquoi te sens-tu obligée de venir me “sauver” ? Pourquoi le seul but de nous autres Algériennes est le mariage ? Pourquoi on passe notre jeunesse à chercher notre moitié, à être vue par les autres comme incomplète tant qu’on est célibataire. Moi, je me suffis à moi-même !”

“Ha oui ! Et c’est pour ça que tu te lamentes sur ton canapé et que tu vis aux crochets de tes parents. Kenza, je ne suis pas venue t’aider à retrouver l’amour. Je veux juste t’aider à te ressaisir. J’en ai marre de te savoir en pyjama chez toi. J’aimerais que tu sortes, que tu te bouges. J’aimerais que tu vives Kenza ! Regarde la vérité en face tu ne vis plus depuis quelques mois. Tu es repartie en dépression”.

Elle s’avance vers moi, me prends par la main et me souffle : “Ce rencard ce n’est qu’un prétexte. On y va sans pression”.

Raide comme un piquet, je me détends et concède un sourire au coin des lèvres : “Passe moi la robe, on va bien trouver un moyen de rentrer mes énormes cuisses dedans”.

Ils étaient installés dans le jardin du salon de thé quand nous sommes arrivées. Youcef, le petit ami de Zouzou, parlait en agitant les mains. Il portait un polo bleu clair qui mettait en valeur son teint hâlé. Son mystérieux ami était de dos. Il était habillé d’un costume bleu nuit, le cheveux d’un noir profond. Plus on s’avançait et plus les traits de ce grand brun ténébreux se révélaient à moi. Jusqu’à ce que mes yeux croisent les siens.

“Vous voilà enfin !”, nous lance Youcef en embrassant sur la joue Zouzou. “Kenza, je te présente Amine”

Il avait un regard bleu arctique. Un regard glacial, polaire, qui abritait beaucoup d’autorité et de confiance en lui. Dans ce regard, j’y ai vu tout ce que je ne suis pas. Ses lèvres roses venaient adoucir le visage d’un homme imbus de sa personne.

Il m’a tendu la main, une grosse montre habillait son poignet. Il devait sortir du travail. Un cadre chez un opérateur téléphonique ? Un patron d’entreprise ? L’Audi garée sur le parking devait lui appartenir, à moins qu’il ait un chauffeur…

J’en étais là dans ma réflexion lorsque je l’ai entendu évoquer vaguement son gagne pain.

“On lancé le benchmark […] On va réorganiser leur grille salariale […] J’ai rendez-vous à Casablanca dans deux jours avec mon associé […]”

C’était un langage crypté, j’avais besoin d’un décodeur. Tandis qu’il tapotait sur son smartphone, je me suis penchée vers lui et j’ai fini par lui demander :

“Mais vous faites quoi au juste dans la vie ?”

De glacial, son regard est devenu condescendant : “C’est un peu complexe. Tenez-là, par exemple, je viens d’empocher 1.500 dollars pour un conseil de cinq mots”.

A ce moment-là, je ne savais pas à qui j’en voulais le plus. A Zouzou et Youcef, charmant couple, mais assez naïf pour penser qu’un mec comme ça pouvait m’intéresser ? Ou à ce Amine qui ne parle que de fric ? Je n’ai toujours pas tranché.

L’atmosphère s’est crispée un peu plus lorsqu’on s’est retrouvé en tête à tête, Zouzou faisant semblant d’aller se refaire une beauté et son Youcef prétextant devoir rappeler sa mère en urgence.

Avec leur absence, j’ai commencé à appréhender les silences à table. Ce qu’ils peuvent me rendre mal à l’aise ! Mais c’était sans compter l’arrogance de ce goujat :

“Ecoutez…” Il claquait des doigts comme pour retrouver dans les airs mon prénom.

“Kenza”, lui glissais-je avec beaucoup de pitié.

“Ecoutez Kenza. Les rencontres arrangées, ce n’est pas du tout mon truc. Je ne suis pas désespéré… Loin de là”

“Parce que j’ai une tête de désespérée peut-être ?” Il commençait sérieusement à m’énerver M. Rolex. “Je n’ai rien demandé, j’étais tranquille chez moi quand on m’a forcé la main pour vous voir. Je m’en serai bien passée”

“Et bien, Kenza”. Sa manière d’appuyer sur mon prénom me tapait sur les nerfs. “Voilà un point commun”

“Je crois bien que c’est le seul”

“Ha ! Vous jugez tout le temps les gens du premier coup ou m’accordez-vous ce privilège ?”

“Je vous ai vexé, pauvre chou” J’ai senti que je prenais l’ascendant, ça me plaisait.

“Pas du tout” Il semblait ramasser le peu de courage qu’il avait.

“Je suis sûre en plus que vous n’êtes pas célibataire. Que votre téléphone qui vous fait gagner 1.500 dollars à la minute est bourré de numéros de filles sans intérêt”

“Détrompez-vous. Je n’ai pas le temps pour ça. Je bosse beaucoup pour lancer ma boîte. Mon entreprise c’est la seule femme dans ma vie pour le moment. Aussi étrange que cela puisse paraître, je suis célibataire”

Je plissais des yeux comme pour détecter le mensonge entre les mots qu’il prononçait.

“Pourquoi me regardez-vous comme ça ? Le célibat n’est pas une maladie. Ni une malédiction”

Je lui souris : “Exactement ! Je n’arrête pas de le dire autour de moi mais personne ne veut l’entendre. Voilà un second point en commun”

Il m’a tendu sa main pour m’inviter à faire un “high five”. J’ai hésité et j’ai fini par rapprocher ma main de la sienne.

Au contact de nos doigts, un léger frisson m’a parcouru.

Précédemment :

Saison II Episode I : “Petits plaisirs d’une recluse”

Clique ici pour (re)lire l’intégrale de la saison I

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