Le journal d’une (céli)battante est une série produite par Inty. Elle raconte les tribulations de Kenza, une Algérienne de 30 ans, qui cherche l’amour envers et contre tous.
Dans ce feuilleton se mêlent fiction et réalité. Inty a créé le personnage de Kenza. En revanche, ces histoires sont basées sur des faits réels, inspirés de la vie de plusieurs Algériennes qui ont accepté de se confier.
Saison II Episode 4 :
Cher journal, tu m’as connue triste, déçue, désemparée, associable… Et surtout célibataire. Je crois que les choses sont en train de changer. Je vis un bouleversement. Il y a comme une tempête dans mon cœur depuis qu’Amine m’a embrassée. Un baiser lent, doux, acidulé. Depuis, je me refais le film dans la tête, sous tous les angles, toutes les coutures. Je sens encore sa main sur ma nuque et sa caresse pleine d’assurance.
Un baiser lent, doux, acidulé.
Quand je t’ai laissé, cher journal, je détestais cet être hautain et superficiel. Je te rassure, c’est toujours le cas. Mais, depuis, j’ai découvert d’autres aspects de sa personne. Je l’ai peut-être jugé trop vite. Comme on dit, la première impression est parfois trompeuse. Ou alors est-ce le contraire ? Je ne sais plus…
J’ai commencé à reconsidérer les choses il y a environ un mois. J’étais sur le balcon de l’appartement de Youcef, le petit ami de Zouzou, et j’admirais la vue imprenable sur toute la ville. A l’horizon, le soleil s’éclipsait. Subjuguée par l’étoile en feu déclinante et les couleurs chatoyantes dans le ciel, je prêtais à peine attention aux personnes autour de moi. Youcef avait profité du déplacement de ses parents chez sa famille pour organiser une soirée.
Notre société est injuste
Il venait d’avoir 35 ans et il avait l’air de bien le prendre. A sa place, une fille serait au bord de la crise. Notre société est injuste : un homme célibataire peut garder le sourire et la tête haute même s’il n’est pas marié après 40 ans alors qu’une femme est considérée comme une pestiférée si elle n’est pas casée avant 30 ans. J’étais peut-être la seule dans l’appartement, avec Faten, à me faire cette réflexion.
Youcef est un mec plutôt sociable. La maison grouillait d’amis qui résumaient à eux tous la vie du petit ami de Zouzou : les amis d’enfance de 7oumti, les potes de fac, les collègues de boulot et les “femmes de”. Nous, on était dans la catégorie des amies de la fiancée non-officielle. Mais ça ne m’étonnerait pas que ces deux-là finissent par concrétiser leur amour. Ils ont l’air si heureux et épanouis ensemble.
Je ne décrochais pas le soleil des yeux, comme obnubilée par ses rayons. C’est ma cousine Kaouther qui est venue me sortir de mes rêveries. La mine des mauvais jours. Elle n’avait plus de nouvelles de son serveur-petit ami platonique depuis quelques jours. Ils étaient censés avoir leur premier rencard mais il n’a jamais confirmé l’heure du rendez-vous. Depuis, silence radio.
La dé-rencontre
Comme je suis une Algérienne pure souche, bent bladi, et aussi plus âgée qu’elle, ma cousine s’était mise en tête que j’étais la mieux placée pour analyser la situation. Sauf que les Algériens sont imprévisibles et ça Kaouther n’arrive toujours pas à le comprendre. Il pouvait y avoir des dizaines de raisons à sa “disparition”. On avait déjà établi la liste des “problèmes plausibles” : un souci de téléphone, une affaire familiale, un accident… On avait aussi recensé les “raisons moins plausibles” : une perte de mémoire, le retour d’une ex-petite amie, un mariage secret, une mort foudroyante…
Autre possibilité : la dé-rencontre. Une Algérienne a, au moins une fois dans sa vie, croisé la route d’un dé-rencontreur. Et si ce n’est pas encore le cas, br3id char ! Les dé-rencontreurs n’existent peut-être qu’en Algérie, je ne saurais l’affirmer avec certitude étant donné que je n’ai encore jamais voyagé à l’étranger. Toujours est-il que les dé-recontreurs sont légion dans notre pays. Ils ont le don de vous attirer dans leur filet par leur belles paroles. Oui, les dé-rencontreurs algériens sont des tchatcheurs habiles, faussement poète, des romantiques hypocrites. Leur principale force : une confiance inébranlable qui les rend puissants et leur permet de se glisser subrepticement dans la tête et dans le cœur des filles. Au début, ils sont présents, attentionnés, bienveillants, parfois même pots de colle. Sous ses airs de gentleman, savamment étudiés, le dé-rencontreur te guette, te chasse et finit souvent par t’abattre. Avec le recul, je pense que cette espèce-là jette son dévolu sur des filles un peu paumées, bien trop naïves. Des filles fleur bleue, comme je l’ai été avant de me faire “larguer” par “L’autre”.
C’est lorsque tu es prête à leur céder, à tomber dans leurs bras, que le dé-rencontreur prend la poudre d’escampette. Il s’évapore dans la nature comme s’il n’avait jamais existé. Tu ne le recroiseras plus jamais. Ses amis, peut-être complices, ne piperont pas mot. Pour beaucoup, ces hommes-là sont des Don Juan. Pour moi, je les regarde aujourd’hui comme des dragueurs invétérés et nocifs dont il faut s’éloigner.
Mon premier dé-rencontreur
Je me souviendrais toujours de mon premier dé-rencontreur. Je sortais de l’adolescence, il était un peu plus âgé que moi. Oui, les dé-rencontreurs n’ont pas d’âge, ils appartiennent à toutes les générations. Il était orphelin. Je me suis d’abord méfiée de lui. Son attirance envers moi me paraissait factice, j’aurais dû suivre ma première intuition. Et puis, il a fait mine de se confier et de s’ouvrir à moi. Et plus il se dévoilait et plus je fendais l’armure. Il s’est insidieusement immiscé entre moi et ma raison, j’avais perdu la tête. je voulais devenir plus que sa petite amie, je voulais être une sœur pour lui, une mère pour lui, je voulais être celle qui panserait ses plaies et apaiserait ses souffrances. C’est quand il a compris qu’il pouvait m’avoir qu’il n’a plus donné signe de vie. Comme ma cousine, je me suis inquiétée à en perdre l’appétit. J’ai appelé le seul ami qu’il m’avait présenté, je suis allée jusqu’à signaler sa disparition à la Protection Civile. Quand j’ai réalisé que je m’étais fait piéger, j’ai sombré, j’étais dévastée. Le pire, ce n’est que ça n’allait pas être la dernière fois…
Je sais donc très bien par quelle phase Kaouther est en train de passer. J’ai beau l’encourager à tourner la page, elle s’accroche à cette histoire comme à une bouée de secours pour redonner un sens à sa vie, depuis son burn-out.
Je la consolais quand un homme a répété plusieurs fois mon prénom : “Kenza ! Kenza !”
C’était Amine.
Précédemment :
Saison II Episode 1 : “Petits plaisirs d’une recluse”
Saison II Episode 2 : “Je suis célibataire pas malade”
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- Co-fondatrice d'Intymag.com
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