Notre rédactrice a chaussé des baskets et enfilé un pantalon confortable pour se joindre à une randonnée organisée à Tikjda, dans le massif du Djurdjura.
Je suis le style de fille qui aime le sport mais qui ne trouve jamais le temps d’en pratiquer. Quand la rédaction d’Inty a repéré sur Facebook une sortie en montagne, j’ai saisi l’occasion sans trop poser de questions. Je voulais non seulement remuer mes jambes désespéramment flasques, humer l’air frais de Kabylie – adieu la canicule ! – mais surtout croisé la route des randonneurs algériens. Un type de gars que je n’avais encore jamais rencontré.
Sauf qu’à ma grande surprise je n’étais pas la seule fille à prendre la direction le massif du Djurdjura, frontière naturelle entre la wilaya de Tizi Ouzou et Bouira. A bord des trois bus qui stationnaient près de l’hôpital Mustafa Pacha, à Alger-centre, des dizaines de filles. Certaines étaient même venues seules !
Après environ deux heures de trajet, le bus quitte l’autoroute et s’enfonce dans la montagne. A mesure qu’on s’élève et que le massif montagneux dessine une crête rocheuse, scindant l’horizon en deux, je trépigne d’impatience. Autour de moi, la même euphorie. Un panneau indique qu’on arrive dans le parc naturel du Djurdjura. On descend tous du bus, nos sac à dos sur les épaules, en dérangeant la tranquillité des familles qui pique-niquaient au pied de la montagne.
Raides…

Un groupe de garçons, plus téméraires, n’attend même pas la fin de la distribution des vivres et des tentes pour escalader les rampes raides de Tikjda. Je les suis sans trop savoir où pauser les pieds. Les sentiers ne sont pas balisés, on avance à l’aveuglette sur une montée rude. Les mollets brûlent, je souffre, j’ai l’impression que la montagne me repousse.
Derrière moi, d’autres souffrent davantage. Je jette un coup d’œil par dessus mon épaule et je distingue à peine leur silhouette noyée sous un énorme sac de randonnée. Ils semblent happés par la montagne, prêts à chavirer. Je vois : un homme avec une glacière qui grimace, deux jeunes qui tirent un baluchon dans un sourire crispé, un couple chargé comme une mule qui s’évanouit dans la nature. Mais qu’ont-ils bien pu prendre dans ces sacs ? Et pour une seule nuit à la belle étoile ! Avec mon petit sac-à-dos bleu fluo, j’ai vraiment l’air d’une amatrice. Mais au moins je galope sur les pentes de Tikjda.
Le groupe est très vite dispersé, les guides dépassés, des écarts se creusent. Je me dis que d’en bas on doit ressembler à des fourmilles éparpillées sur un mur de terre.

Je vois enfin le bout de cette ascension et je m’étonne de compter parmi les premiers. Là, trois hommes assis sur des chaises en plastique encouragent le reste de la troupe. Ils doivent être du coin mais ne se lassent pas d’admirer cette vue imprenable sur le barrage de Tilesdit et plus loin la ville Bouira. Que je les comprends ! Je m’octroie une pause photo. Souvenir de ma première randonnée en Kabylie !
Mais je ne tarde pas car le soleil commence à décliner et le vent à souffler. Je me remets en route mais en empruntant cette fois un chemin plat. On contourne la montagne. La route est magnifique, elle nous emmène à travers les cimes rocheuses. Sur le bord ou les hauteurs, des vaches laitières broutent. La balade se fait alors champêtre. On s’arrête de temps à autre pour photographier les copains de rando ou se prendre en selfie. “On est à mi-chemin. Le lac est plus haut derrière cette montagne”, lance un homme, la cinquantaine, marchant à l’aide d’un long bâton de bois qui l’a lui-même taillé.
… et champêtre
Le répit est de courte durée. Nous voilà déjà en train de grimper de nouvelles pentes escarpées. La dernière montée nous “casse” les jambes. On est en nage mais on est enfin arrivé au sommet de la montagne. On culmine à plus de 1.700 mètres d’altitude. Mais toujours pas de trace du lac Goulmine, le plus haut lac d’Afrique.
Il faut continuer de marcher – cette fois en descendant – pour le voir. On passe par un chemin serpentant la montagne. “En bas c’est Tizi Ouzou”, me lance un randonneur, portant une guitare sur le dos. Du lac, on distingue d’abord le mur rocheux qui ferme la vallée comme une impasse. On s’avance et on comprend très vite que le lac est… asséché. Des vaches ont investi les lieux. “On peut ranger les maillots”, sourit un membre de l’équipe.

En se retirant, le lac a laissé des traces sur la roche, on s’amuse alors à deviner sa profondeur et son étendue. C’est d’ailleurs sur le lac asséché qu’on s’empresse de dresser les tentes tant qu’il fait encore jour. Solidaires, les randonneurs s’entraident. On s’installe, on se met à son aise. Certains sortent des chaises dépliantes de leur sac, d’autres des réserves de nourriture. Je comprends alors que le randonneur algérien est prévoyant et que, même dans l’aventure, il aime son petit confort.
Je file sous ma tente enfiler de vêtements chauds, les températures sont tombées de façon vertigineuse. A peine ressortie, je remarque que le bleu du ciel a laissé place à un tapis d’étoiles. On entend déjà les crépitements du feu de camp – alimenté à la bouse de vache ! – et les premières notes de guitares. La nuit sous les étoiles à Tikjda ne fait que commencer…
Zina Driss
Auteur

- Co-fondatrice d'Intymag.com
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6 Comments
Erreur, le lac Goulmine est loin d’être le lac le plus haut d’Afrique, rien qu’au Maroc, plusieurs lacs passent les 2000m d’altitude.
Cordialement
Continuez à “raconter” les randonnées, ça fera un bien fou à beaucoup de monde et pourvu qu’il y ait de plus en plus d’adeptes
merci bcp pour ce super article,
svp juste corrigez le nom du lac c’est Agoulmime (en Kabyle: Agulmim) et non pas “goulmine”.
merci encore pour l’article et très bonne continuation à vous 🙂
désolé, le A est un déterminant dans ce cas , le mot à lui seul est Goulmim, autrement dit Tamda u Gelmim en berbère. c’est donc pas faut de dire le lac Goulmine. cordialement
Tikjda fait partie de Bouira et pas de Tizi-Ouzou, corrigez votre article SVP, un Bouiri autochtone
Cet endroit était zone interdite pendant des années et en le visitant au mois de décembre 2015, j’ai vu des centaines de femmes et hommes qui découvraient les lieux sans problèmes. Bon courage et bon vent.
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