Les blogueuses du Girl Power Algérien raconte le jour où elles se sont rendus compte que leurs collègues, au demeurant sympathiques, sont en réalité de grands sexistes.
Chronique sur les comportements sexistes en entreprise :
Moi : Tu ne participes pas à la formation à l’étranger comme les autres collègues responsables ?
Ma collègue : Non.
Moi : Mais pourquoi ?
Ma collègue : Parce que j’ai des nichons …
La question est posée …
Déjeuner avec des collègues sexistes
Pause déjeuner autour d’une table avec trois de mes collègues masculins, on rigolait car je devais partir en mission à l’intérieur du pays et l’hôtel qu’on m’avait conseillé comprenait des toilettes et douches collectives ! Fort heureusement, j’ai eu l’information et j’ai réservé ailleurs mais l’anecdote a constitué le début de notre conversation.
Suite aux blagues et à la rigolade, je décide spontanément de lancer un sujet : « les gars, ne pensez-vous pas qu’il faudrait un minimum de conditions pour qu’une femme puisse aller en mission hors wilaya ? Je suis bien évidemment pour l’égalité des sexes mais quand il s’agit de trajet et d’hôtel, il y a lieu – comme le fait une entreprise dont j’ai entendu parler- d’enquêter un minimum sur la destination en question et le moyen de transport adéquat, après tout nous sommes dans un contexte algérien. »
Je m’attendais à ce que mes chers collègues que je respecte et que j’apprécie me donnent raison et qu’ils me soutiennent, comment pourrait-il en être autrement ? Je les vois quotidiennement depuis deux ans, je discute avec eux, rigole avec eux, partage avec eux un bureau, des connaissances techniques, m’enquiers de leurs familles … etc. A priori ce sont de braves types, des hommes modernes en accord avec leur temps et qui n’ont aucun problème avec la femme en entreprise.
Non !
C’est tombé d’un coup … si violemment … et d’un ton sec … Il avait dit non ? Non, quoi ? « Non, si tu es pour l’égalité des sexes alors la femme doit subir exactement le même traitement que l’homme sinon qu’elle reste à la maison ! »
Je n’en revenais pas, j’étais abasourdie, je lui donnai alors l’exemple d’une mission à Ouargla où on voulait m’envoyer en voiture : trajet de plus de 10h et que j’avais refusé. J’expliquai que c’était beaucoup plus rapide en avion, que je faisais gagner à l’entreprise de l’argent avec des nuitées en moins à l’hôtel et des frais moindres et que ça serait même idéal pour un homme.
“La place de la femme est à la maison”
Non ! Il n’en démordait pas, j’aurais dû faire ce trajet en voiture comme lui l’avait déjà fait. J’expliquais que morphologiquement, en tant qu’homme il pouvait s’arrêter n’importe où pour se soulager, que moi en tant que femme j’aurais besoin d’une structure adéquate, j’abordais le sujet de ma sécurité, que nous connaissions tous l’Algérie et ses frustrés présents sur les 48 wilayas et que certaines zones seraient encore plus dangereuses.
Les femmes sont “moins rentables”
Il ne trouva rien de mieux à me dire que la place de la femme est à la maison et les autres semblaient d’accord puisque l’un avança que l’homme de ce fait était plus « rentable » pour l’entreprise qu’une femme et qu’il pouvait donc obtenir une promotion plus facilement, que la femme en tombant enceinte s’absentait de l’entreprise et devenait moins efficace après le mariage. L’autre surenchérissait que la femme ne devait pas voyager sans “mahram” et de ce fait elle ne pouvait pas aller en mission.
Autant vous dire que j’étais choquée, dépitée, je ne m’y attendais pas du tout et je me retrouvais à défendre bec et ongles la femme en entreprise, la féministe qui était en moi se réveilla méchamment de sa sieste tant elle pensait être en sécurité et maintenant qu’elle voyait le danger, elle se déchaîna en arguments et autres preuves au nom de toutes les femmes du monde qui se lèvent chaque matin pour aller travailler.
C’est la faute des femmes si nos salaires sont bas
Comment pouvaient-ils penser ainsi ? Pourquoi ? « Vos femmes travaillent » dis-je ! Ils faisaient déjà moins les malins …
La femme a commencé à travailler justement pour aider son ménage car le mari n’y arrivait plus seul … Silence … Puis, une réponse dénuée de sens : « c’est de leur faute si nos salaires sont bas … »
A l’étranger, tout est fait pour aider la femme à s’épanouir en entreprise et à gravir les échelons. Des garderies au sein même de l’entreprise sont mises à disposition des mamans pour qu’elles puissent voir leurs enfants lors des temps de pause ! Silence encore une fois, je vois une pointe de haine sur le visage de celui que je pensais être le plus doux.
L’autre dit : « Mais qui va nous faire à manger lors de notre retour à la maison ? »
Seigneur Dieu, de gros bébés, ces hommes diplômés, supposés être des intellectuels, faisant partie d’une multinationale dont l’une de ses dirigeantes est justement une femme ne trouvent d’autre argument que de s’inquiéter pour leur dîner ?
Déçue … Voici comment je suis sortie de ce déjeuner. Je ne les voyais plus de la même manière, ces hommes qui venaient chaque matin à l’entreprise où des femmes travaillaient, qu’ils saluaient, regardaient avec bienveillance et discutaient avec étaient en fait des hypocrites !
Bande d’hypocrites sexistes
Oui, je crie à l’hypocrisie dans sa forme la plus absurde et la plus aberrante. En réalité, ils ne veulent pas de nous, ils ne veulent pas nous voir en entreprise, c’est à peine s’ils tolèrent notre présence, ils font juste semblant …
Ils quittent chaque matin leurs épouses – qui partent elles-mêmes travailler – pour rejoindre une entreprise où d’autres épouses, mères et sœurs travaillent en pensant secrètement dans leurs cœurs faux et arrogants qu’il aurait fallu que ces dernières soient à la maison derrière leurs fourneaux. Ils sont bien heureux que leurs épouses rapportent de l’argent supplémentaire à la maison mais n’hésitent pas à taillader les épouses des autres qui travaillent ! Elle est bien belle l’Algérie hypocrite !
Pourquoi venir discuter et rigoler avec nous alors ? Pourquoi cette hypocrisie ? Ils se meurent chaque fois qu’une femme obtient une promotion, ils suffoquent s’ils ont une femme comme supérieur hiérarchique, notre présence les torture mais ils savent feindre les collègues modernes qui travaillent main dans la main avec cette femme qu’ils voudraient en réalité réduire à néant.
Je ne pourrais plus les voir de la même manière. Non ! Je ne me sentirai plus en sécurité au sein de mon entreprise comme auparavant. Je n’irai plus aussi sereine qu’avant, souriante et discutant avec tous, non. Je franchirai les portes en étant en guerre contre ces hommes sexistes et misogynes et en criant haut et fort mon féminisme.
Cette chronique a d’abord été publié ici
“Le sexisme le plus dur est celui pratiqué par les femmes”
Auteur

- Co-fondatrice d'Intymag.com
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